Durant des décennies, les diamants de sang ont joué un rôle majeur dans l'alimentation des conflits armés dans de nombreux pays africains et sud-américains. La quasi-disparition de bon nombre de ces conflits aujourd'hui n'a pas permis d'éradiquer ce commerce illicite. Un tour d'horizon sur les enjeux entourant les diamants de conflits et le processus de Kimberley.
Les diamants de sangs sont des pierres précieuses dont l'extraction se fait dans des zones de conflits ou de guerres. Encore appelés diamants de la guerre ou diamants de conflits, ils sont issus de l'exploitation forcée d'hommes, de femmes et d'enfants dans les conditions les plus abominables et contre toutes éthiques. Ces diamants, illégaux, servent au financement des groupes de rebelles et ont contribué à alimenter de nombreuses guerres en Afrique et en Amérique du Sud.
L'ONU et son conseil de sécurité les définissent comme « des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles pour financer leurs activités militaires en particulier des tentatives visant à ébranler ou à renverser des gouvernements légitimes ». Des pays tels que la Sierra Leone ou encore le Libéria sont des exemples parmi tant d'autres de pays ayant été très actifs, mais aussi victime de ce type de commerce. En 2002, le processus Kimberley a été élaboré par des diamantaires, des pays producteurs et des ONG avec pour objectif d'empêcher le commerce de ce type de diamants.
Le marché international du diamant et les richesses liées aux ventes de diamants sont sous le monopole de grandes entreprises à travers le monde. En 2004, entre 4 et 15 % des pierres précieuses issues du commerce diamantaire provenaient de la contrebande, des conflits et guerres civiles dans les pays africains. Cette part du marché qui représente des millions de carats attise depuis des dizaines d'années des tensions dans de nombreux pays africains à cause de trafiquants.
Durant les années 1990 en Angola, plus de 4 milliards de dollars ont été générés durant la guerre civile grâce au commerce de diamant. L'UNITA, un groupe anticolonial responsable de 93 % des ventes a pu ainsi se fournir en arme. Également, le commerce de diamant a également permis au Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola (MPLA) de s'offrir les services de l'EO. Il s'agit d'un groupe militaire privé de mercenaires qui a entraîné plus de 5 000 troupes et 30 pilotes ayant participé à des crimes de guerre.
Au Liberia, le président Charles Taylor a été accusé en 2000 d'avoir fourni des armes et de l'entraînement à des forces armées ou groupes rebelles en échange de diamant. Il sera accusé plus tard de crime contre l'humanité et violation des droits de l'homme par les Nations-Unies. Le top model Naomi Campbell viendra d'ailleurs témoigner durant son procès parce qu'elle aurait reçu en cadeau des diamants de sang. Des sanctions seront d'ailleurs émises contre le marché du diamant au Liberia à cause des guerres civiles qui ont conduit à la mort d'un bon nombre de Libériens.
La Côte d'Ivoire, quant à elle, deviendra dans les années 1990 une plateforme tournante pour l'exportation de diamants au Liberia. Celle-ci va conduire à la survenue de deux coups d'État. Le premier contre le régime de l'ancien président Henri Konan Bédié en 1999 et le second qui va échouer en 2002.
En République centrafricaine, les diamants de sang ont été au cœur des conflits entre la séléka et le président François Bozizé. Également, ils ont servi à alimenter la guerre civile entre ex-séléka et anti-balakas et causé la mort d'un bon nombre de Centrafricains. Le pays était en 2012, 12 ème au classement du marché mondial de diamants. Olivier Mailbangar, ancien ministre des Mines dira plus tard que la grande majorité (près de 80%) de l'exportation n'était pas certifiée.
Les exemples de pays d'Afrique ayant connu des bouleversements économiques et politiques à cause des diamants de conflits sont très nombreux. L'on pourrait aussi citer le cas du Congo, de la RDC, du Zimbabwe, des pays voisins ou d'autres pays d'Afrique centrale qui ont aussi fortement subi l'impact de ce commerce illicite. Bien que ces guerres soient aujourd'hui considérées comme passés, de nombreuses ONG continuent de dénoncer des pratiques entourant le commerce de diamant. Que ce soit à propos des conditions d'extraction ou leur rôle dans le financement de certains régimes le mal continue d'exister.
Le processus Kimberley est l'initiative mise en place comme lutte contre le commerce de diamants de conflits. Il s'agit d'un forum international tripartite, dont les origines remontent à l'an 2000. Il réunit plusieurs gouvernements, certains membres de sociétés civiles et de grands acteurs de l'industrie du diamant. L'objectif de cette initiative était de mieux contrôler le négoce de diamants bruts à l'échelle mondiale et d'empêcher l'exportation des diamants de sang. Elle devrait permettre donc à ce que les bénéfices de ce commerce illicite ne puissent plus servir aux financements de conflits et de rébellion dans certains pays.
Le système de certification du processus Kimberley consiste pour chaque partie concernée à mettre en place un protocole de sécurité pour l'exportation et l'importation des diamants. Les minerais convoyés devront être accompagnés d'un certificat validé par un gouvernement, attestant de leurs origines. Ainsi, le certificat du processus Kimberley favorise la traçabilité des pierres précieuses de leurs mines d'extraction jusqu'à leur dernière destination. De plus, les diamants dotés d'une certification ne peuvent être négociés qu'entre les pays ou les territoires en lien avec le processus. L'initiative empêche la pénétration ou le départ de diamants bruts non certifié dans les pays membres et facilite le contrôle des échanges.
À ce jour, l'efficacité du processus Kimberley continue d'être remise en question par de nombreux organismes. Beaucoup se sont même retirés au fur des années disant qu'elle n'était pas en mesure de mettre un terme à ce commerce international. Ces derniers lui reprochent de ne pas réellement être en mesure de certifier de la véritable origine des diamants disponibles sur le marché. Plusieurs éléments sont également mis en avant pour juger de l'inefficacité du processus. Certains évoquent une dimension néo-coloniale en soulignant que seuls les diamants produits en Centrafrique sont considérés aujourd'hui comme étant de sang.
D'autres parleront de la liberté laissée aux entreprises privées concernant la vérification de l'origine des diamants commercialisés. Il s'agit de ceux négociant les gemmes et spécialistes dans le polissage, la bijouterie et le blanchiment de diamant de sang. Certains bijoux sont exportés à Dubaï ou ailleurs sans que l'origine ne soit vérifiée par un groupe d'experts, quelle que soit la taille du diamant. Par ailleurs, il faut savoir que malgré sa création, les diamants de sang ont pu jouer des rôles majeurs dans des conflits africains.
Pour conclure, il est à noter que le processus Kimberley est une initiative salutaire qui a permis un tant soit peu de réduire l'impact des diamants de sang. Toutefois, c'est une mesure qui a très vite montré ses limites et le commerce du diamant de sang est toujours d'actualité. Le temps est peut-être venu de penser à des réformes ou à de nouvelles solutions pour combattre le mal.